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Décision du Tribunal Mixte des Nouvelles Hébrides

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Ministère Public c Kakae [1916] VUTM 23; No 303 (11 August 1916)

TIBUNAL MIXTE DES NOUVELLES HÉBRIDES


AFFAIRE No. 303


AUDIENCE DE SIMPLE POLICE DU VENDREDI 25 AUOT 1916.


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MINISTERE PUBLIC


Contre


KAKAE, indigène, employé de commerce, accusé d'avoir vendu des boissons alcooliques à un autre indigène.


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L'an mil neuf cent seize, et le vingt-cinq août, à neuf heures du matin,


Le Tribunal mixte composé MM. H.T.G. BORGESIUS, Président p.i.; T.E. ROSEBY, Juge britannique; J. MABILLE, Juge français;


En présence de M. J. DE LEENER, Procureur p.i.;
Assisté de M H. PIERMONT, Greffier p.i. tenant la plume;


Statuant en matière de simple police, en premier et dernier ressort;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
A rendu le jugement suivant:


LE TRIBUNAL MIXTE,


OUI la lecture des pièces du dossier;
OUI le Ministère Public en ses réquisitions;
OUI le prévenu KAKAE en ses moyens de défense, par l'organe de M. SEAGOE, faisant fonctions d'avocat d'office des indigènes, lequel a eu la parole le dernier;


Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant publiquement, contradictoirement et en ressort;


Attendu que, par exploit de Faucher, huissier, en date du 18 Août 1916, l'indigène Kakae est cité devant ce tribunal pour répondre à la prévention d'avoir, le 23 Juillet 1916, à Port Vila, dans le magasin de. M. Kerr, son patron, vendu une bouteille de vin à l'indigène Toonoon pour 1 shilling 3 pences;


Attendu que, avant tout débat au fond, le Ministère Public demande au Tribunal de se prononcer sur la loi et la procédure à appliquer au prévenu; qu'il rappelle que celui-ci, en sa qualité d'indigène, ne peut être ressortissant français ou anglais;


Attendu que, de son côté, le prévenu, par l'organe de son défenseur, M. Seagoe, soutient que les articles 59 et 61 de La Convention franco-anglaise du 20 Octobre 1906 qui prohibent et répriment la vente au la livraison aux indigènes de boissons alcooliques, ne lui sont pas applicables parce qu'il est indigène; qu'en effet, d'après les dits articles combinés, cette infraction n’est punissable que lorsqu'elle est commise par les non-indigènes; qu'il conclut à ce qu'il soit renvoyé de la poursuite dirigée contre lui, les indigènes ne tombant pas sous le coup des dispositions susvisées;


SUR LES CONCLUSIONS DU MINISTERE PUBLIC (Loi et procédure à appliquer):


Attendu que Kakae est poursuivi pour contravention à la Convention; que 1e Tribunal Mixte est donc compétent pour connaître de cette contravention, conformément à l'article 12, parag. 3;


Attendu- en ce qui concerne la loi applicable - que bien que le prévenu ne puisse acquérir la nationalité française ou anglaise, du moins tant qu'il réside dans l'archipel (art. 8, parag. 2), il n'en est pas moins, lorsqu'il commet une infraction, soumis aux règles spéciales tracées par la Convention ou par les règlements destinés à en assurer l'exécution; (art. 13, parag. 3);


Que c'est ainsi qu'en cas de conviction d'une infraction à la Convention ou aux Règlements communs, l'indigène est condamné par le Tribunal Mixte, et le jugement est exécuté par les Commissaires-Résident agissant conjointement ou leurs délégués (art. 19, l) c);


Attendu, sur la procédure à suivre, qu'il y a lieu d'observer que le Tribunal Mixte a le pouvoir de déterminer et publier les modifications nécessaires aux procédures nationales, en exécution de 1'art. 14, parag. 2 de la Convention;


SUR LES CONCLUSIONS DE LA DEFENSE:


Attendu que, pour vérifier ces conclusions, il importe de rechercher si le fait imputé au prévenu est défendu aux indigènes par la Convention;


Attendu que les deux Gouvernements ont, dans un but
de protection et d'humanité, interdit la vente ou la livraison aux indigènes des boissons alcooliques ou enivrantes, en autorisant toutefois l'usage des médicaments ou cordiaux base d'alcool dans les cas de maladie ou d'indisposition;


Attend; que l’art. 59, parag. 1, qui édicte cette prohibition, se borne à dire "qu'il est interdit de vendre ou de livrer "sans spécifier si cette interdiction s'étend également aux indigènes; que le texte anglais du même article n'apporte pas plus de précision sur ce point;


Attendu que l’article 60 n’est pas plus explicite à cet égard; qu'il suffit, pour s'en convaincre, de l'analyser rapidement; qu'il donne 1e droit aux officiers ou agents de la force publique, dûment autorisés a cet effet par les Hauts Commissaires ou leurs délégués agissent conjointement, de constater les infractions aux art. 57 et 59 (vent ou livraison aux indigènes des armes, des munitions et des boissons alcooliques), et de dresser des procès-verbaux qui sont crus jusqu'à preuve contraire; que ces officiers et agents ont le pouvoir d'arrêter tout indigène trouvé porteur d’une arme prohibée ou en état d'ivresse dans un lieu public, et de procéder à toutes enquêtes utiles avec obligation d'en informer les Hauts Commissaires ou leurs délégués; que l'indigène reconnu coupable du délit est puni - il convient de noter ici qu'aucune peine n’est prévue pour ce délit - par le Commissaire Résident sous l'autorité duquel est placé l'agent qui aura procédé à l'arrestation, ou par un délégué spécialement designer par lui; que, de son côté, le non-indigène présumé complice est déféré au Tribunal Mixte;


Que, comme on le voit, la vente ou la livraison des marchandises prohibées, énumérées ci-dessus, par un indigène a un autre indigène, n’est incriminée nulle part dans cet article;


Mais attendu que si la question pouvait encore paraître douteuse, elle cesse de l'être en l’article 61; qu'en effet cet article la tranche d'une façon définitive en attribuant compétence au Tribunal Mixte pour les infractions aux art- 57, 59 et 60 ci-dessus commises par les non-indigènes ce qui semble bien indiquer que ces infractions ne peuvent être poursuivies que contre les non-indigènes, à l'exclusion des indigènes;


Or attendu que les juges criminels ne peuvent prononcer aucune peine si les textes se taisent ou sont insuffisants, en vertu de cet adage "nulla poena sine lege";


Attendu, en l'espèce, que l'absence d'une disposition formelle et précise de la Convention défendant aux indigènes le fait visé dans la citation, oblige le Tribunal à renvoyer le prévenu des fins de la poursuite;


Par ces motifs,


Dit que le fait reproché au prévenu n'est pas défendu aux indigènes par la Convention; qu'il ne constitue une infraction que lorsqu'il est commis par les non-indigènes;


En conséquence, renvoie l'indigène KAKAE des fins de la poursuite;
Laisse les frais la charge du Condominium.


Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique, les jour, mois et an que dessus.


Le Président p.i.,
Le Juge français,
Le Juge britannique,
Le Greffier p.i.,



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