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Décision du Tribunal Mixte des Nouvelles Hébrides

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Ministère Public c Kaloa [1918] VUTM 21; No 390 (25 October 1918)

TRIBUNAL MIXTE DES NOUVELLES-HEBRIDES


AFFAIRE No 390
AUDIENCE CIVILE DU 25 OCTOBRE 1918



ENTRE
MARQUIS, indigène, représenté par M. FROUIN, son engagiste

d’une part


KALO, dite ROLLING, femme indigène, représentée par M. FREUDENREICH, Avocat des indigènes p.i

d’autre part

L’an mil neuf cent dix-huit et le vingt-cinq Octobre, à neuf heures du matin,


Le TRIBUNAL MIXTE composé, de M. M. H. H. T. G. BORGESIUS, Président p.i J. MABILLE, Juge Français - H. DE BURGH O'REILLY, Juge, Britannique p.i


En présence de M. J. DE LEENER, Procureur p.i –


Assisté de M. Emile FOURCADE, Greffier, p.i tenant la plume,


Statuant en matière civile, en premier et dernier ressort,


Après en avoir délibéré conformément à la loi,


A rendu le jugement suivant:


Le TRIBUNAL MIXTE :


OUI la lecture des pièces du dossier;


OUI M. FROUIN, pour l'indigène MARQUIS,-


OUI M. FREUDENREICH, pour la femme indigène KALOA, dite ROLLING


Après en avoir délibéré conformément à la loi,


Statuant en matière d'arbitrage, contradictoirement, et après consentement exprès des parties,


ATTENDU que la femme ROLLING ou KALOA, de Maevo, et l’indigène
MARQUIS, de SANTO, se sont mis d’accord pour soumettre à l’arbitrage du Tribunal Mixte, sous l’article 21 de la Convention du 20 Octobre 1906, le désaccord suivant:


Les deux indigènes sus-nommés, étant engagés tous les deux sur la plantation du Sieur FROUIN, ont vécu en concubinage de 1907 jusqu'au mois d'Août 1916, soit pour une période d’environ neuf ans; de cette union est née en 1911 l’enfant LILY, âgée maintenant de sept ans; en Août 1916, ils quittèrent la plantation FROUIN pour, aller chez M. GALIBERT, un voisin, chez lequel ils s’engagèrent pour un an, emmenant leur enfant LILY avec eux; quelques mois après, KALOA se séparait de MARQUIS pour se mettre avec un boy de PENTECOTE, l’indigène BOTET, engagé de M. GALIBERT; MARQUIS retourna sur la plantation FROUIN le 8 Octobre 1917 et s’engagea de nouveau pour trois ans au service de ce dernier, mais il revenait seul, KALOA n’ayant pas voulu le suivre ni lui remettre leur enfant; (BOTET avait payé à MARQUIS la somme de 3 livres (75 francs) en partie pour la femme et en partie pour l’enfant) ; le père de l’enfant illégitime, MARQUIS, réclame actuellement son enfant.


ATTENDU que, dans des causes portées d’un commun accord Levant le Tribunal Mixte par des indigènes, cette juridiction doit juger en équité, en s'inspirant autant que possible de la coutume indigène et des principes généraux de droit;


ATTENDU que d’après une règle générale le droit anglais, en pareil cas, maintient le principe "partus sequitur ventrem" (HALSBURY) et ne confie que rarement et dans des cas très spéciaux un enfant bâtard au père (REX v. CROWE); que d’autre part, la jurisprudence récente fait prévaloir surtout l’intérêt de l’enfant lui-même;


ATTENDU que le droit français suit presque identiquement 1e même principe;


ATTENDU que, en ce qui concerne les coutumes indigènes, il résulte des dépositions du R. P. LOUBIERE et du R. RAFF, entendus à titre d’experts ainsi que des rares ouvrages en cette matière que dans la plupart des îles le matriarcat existe à tel point que les enfant appartiennent entièrement à la tribu de leur mère, ainsi, après la mort du père, tous liens avec la famille de ce dernier sont rompus, ce qui preuve l’ascendance utérine;


ATTENDU que, si d’autre part les recruteurs ont l’habitude de payer une prime pour chaque enfant recruté au père, cette habitude, basée sur les droits matrimoniaux, ne saurait décider du statut d’un enfant bâtard;


ATTENDU que, dans le cas actuel, l’enfant LILY a vécu jusqu’à maintenant avec sa mère, à laquelle elle paraît très attachée, à en juger d’après son attitude et ses propres dires, et par laquelle elle semble être bien soignée;


ATTENDU que- l’engagement de la femme KALOA à l'île VATE assure au père l’occasion de voir son enfant de temps à autre, faculté qui lui est laissée et dont il pourra profiter si bon lui semble;


ATTENDU qu’il résulte bien de ce qui précède que l’intérêt de l’enfant qui doit primer toute autre considération, exige qu’elle soit laissée à la garde de sa mère;


PAR CES MOTIFS :


Décide qu’il y a lieu de confier la petite fille indigène LILY à sa mère KALOA, dite ROLLING;


Ordonne le dépôt de cette sentence arbitrale aux archives du Greffe du Tribunal Mixte et décide qu’elle aura force exécutoire aussi bien qu’un jugement ordinaire;


Laisse les frais à la charge du Condominium.


Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.


Le PRESIDENT p.i,


LE JUGE BRITANNIQUE p.i,


Le JUGE FRANÇAIS


Le GREFFIER p.i,



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