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Décision du Tribunal Mixte des Nouvelles Hébrides |
Jugement N° (B) 1/73
Du 29 mai 1973
TRIBUNAL MIXTE DES NOUVELLES – HÉBRIDES
YARRIS APAYOU
c
NOKLAM SIP
JUGEMENT
Audience publique du mardi vingt-neuf mai mille neuf cent soixante-treize.
Le Tribunal Mixte des Nouvelles-Hébrides séant en audience foraine à Tanna et composé de
MM.
Louis CAZENDRES, Juge Français,
Dermot Renn DAVIS, Juge Britannique,
Assistés de M. P. de GAILLANDE, Greffier,
A rendu en matière civile le jugement suivant
ENTRE
YARRIS APAYOU, éleveur, demeurant à LAUTAPUNGA, district de Centre-Brousse (Tanna), assisté de M. Bernard MORAND, Avocat des Indigènes ad hoc,
APPELANT, D'UNE PART,
ET
NOKLAM SIP, cultivateur, demeurant à LAMLU, district de Centre-Brousse (Tanna), assisté de M. Philippe NETTER, Avocat des Indigènes ad hoc,
INTIME, D'AUTRE PART,
Par déclaration orale du 16 janvier 1973 faite devant M. le Dé1égué Français de la Circonscription des Iles du Sud, Président du Tribunal Indigène, YARRIS APAYOU a fait appel du jugement rendu le même jour par le Tribunal Indigène de la Circonscription des Iles du Sud statuant sur un litige concernant la propriété d'un terrain, entre lui-même et NOKLAM SIP, lequel jugement déclarait que la propriété du terrain IMEARONE revient à NOKLAM SIP, que YARRIS APAYOU devait quitter le terrain dans un délai à fixer d'accord parties; que le représentant de YARRIS APAYOU, Willie NATTIANG, du même clan, chef de la terre de LAMNATOU, doit donner dans un délai de trois mois une fille au clan de NOKLAM SIP, afin que se forment des liens entre les deux groupes; faute par lui de remettre la fille, la terre reviendrait à NOKLAM SIP sans portage.
L'affaire a été appelée à 1'audience du 28 mai 1973; les débats se sont poursuivis jusqu'au 29 mai, date à laquelle le jugement a été rendu.
A 1'appel de la cause les parties ont exposé leurs moyens,
Les témoins ont été entendus,
Les notables et assesseurs ont été entendus en ce qui concerne les règles coutumières et leur application,
Les défenseurs ont développé leurs conclusions,
SUR QUOI LE TRIBUNAL
Après en avoir délibéré, jugeant en audience publique,
Attendu que le demandeur YARRIS APAYOU déclare qu'il ne revendique pas les droits sur le terrain IMEAORONE pour lui-même, mais pour son fils BOB KAUTEN; qu'il fonde ses prétentions sur deux moyens principaux
Premier moyen
Attendu que le terrain IMEAORONE était occupé il y a fort longtemps par un nommé KAUTIA, aujourd'hui décédé, dont les droits étaient reconnus; que KAUTIA, chassé par des guerres tribales, s'enfuit avec son clan et s'installa au village de LAMENKULA; qu'il ne revint jamais sur ses terres et que n'ayant pas de descendant mâle à qui transmettre ses droits, il y renvoya sa fille PEREPNAPEN; que celle-ci, en raison de la prédominance du clan conquérant LAMNATOU, était sous sa garde et qu'elle fut donnée en mariage à un homme de LAMLU nommé NAUSIEN; que le fait d'avoir négocié le mariage confère au clan LAMNATOU des droits sur la personne et les biens de PEREPNAPEN; que le chef du clan LAMNATOU est libre d'en disposer, ce qu'il fit en le donnant à BOB KAUTEN, fils de YARRIS.
Attendu par ailleurs, qu'au moment du mariage de PEREPNAPEN avec NAUSIEN, le vieux KAUTIA déclara que la terre d'IMEAORONE reviendrait à un garçon issu de PEREPNAPEN; que cette dernière n'eut qu'un seul fils, NOKLAM SIP, qui fut conservé dans le clan de son père (LAMLU); que WEIK, fille de PEREPNAPEN, mariée dans le clan LAMNATOU, a remplacé sa mère selon la coutume du "swap"; que WEIK eut à son tour deux filles, dont l'une, SOPHIE, est mariée à BOB KAUTEN lui-même; qu'en conséquence NOKLAM SIP et ses descendants n'ont plus aucun droit sur la terre d'IMEAORONE, malgré la promesse de KAUTIA.
Deuxième moyen
Attendu qu'en même temps que PEREPNAPEN, un nommé NAIAS revint sur le terrain IMEAORONE; que NAIAS, enfant d'un premier lit de 1'épouse de KAUTIA, avait aussi des droits sur le terrain; qu'après la mort de NAIAS, sa femme TOOU, devenue vieille, demanda au chef de LAMNATOU de désigner un de ses fils pour s'occuper d'elle et pour recueillir en échange 1'héritage de la terre IMEAORONE; que le chef, n'ayant pas de fils, designa BOB KAUTEN, fils de YARRIS APAYOU, qui devint ainsi le maître d'IMEAORONE; que de plus, BOB KAUTEN ayant épousé SOPHIE, petite fille de PEREPNAPEN, tient ses droits de deux sources.
Attendu en conséquence que BOB KAUTEN doit être reconnu comme seul propriétaire d'IMEAORONE, sauf à YAUTO, fils de NOKLAM SIP, a sollicité du chef de LAMNATOU une partie de la terre.
Attendu que NOKLAM SIP déclare qu'il fait valoir les droits de son fils YAUTO et qu'il fait valoir les moyens suivants
Premier moyen
Attendu qu'avant de s'enfuir de sa terre IMEAORONE, KAUTIA en était le chef incontesté; qu'ayant perdu ses droits par sa fuite, il pouvait cependant les transmettre a un descendant; que n'ayant pas de descendant mâle il déclare solennellement, au moment du mariage de sa fille PEREPNAPEN, qu'IMEAORONE reviendrait à un fils de PEREPNAPEN; que celle-ci n'ayant eu qu'un fils, NOKLAM SIP, gardé dans le clan de son père (LAMLU), la terre devait revenir à un fils de ce fils; que la promesse faite par KAUTIA emporte plus de droits que les échanges; qu'en conséquence un fils de NOKLAM SIP peut être 1'héritier de la terre D'IMEAORONE; que par ailleurs, lorsque PEREPNAPEN et NAIAS revinrent sur le terrain d'IMEAORONE après la fuite de KAUTIA, ils ne furent pas recueillis par le clan LAMNATOU, mais par un homme nommé IAOUE du village de LAUTALIKO; que le mariage de PEREPNAPEN, d'abord prévu avec un homme de LAMNATOU nommé SANGA, fut ensuite négocié par TOM KASSO, chef de IONAPEK, avec un homme du clan LAMLU nommé NAUSIEN; que le chef du clan LAMNATOU n'est pas intervenu dans ce mariage; que les droits invoqués à ce titre sont inexistants;
Deuxième moyen
Attendu que NAIAS, fils d'un premier lit de la femme de KAUTIA, n'avait aucun droit sur la terre IMEAORONE; qu'il ne pouvait donc transmettre ces droits à sa femme TOOU, et que celle-ci était sans droit pour en faire hériter BOB KAUTEN;
Attendu en conséquence que seul un fils de NOKLAM SIP, en 1'espèce YAUTO, peut prétendre à la terre IMEAORONE; qu'il demande que lui en soit reconnue la propriété exclusive;
Attendu que les dépositions des témoins concernant les circonstances du mariage de PEREPNAPEN sont confuses et contradictoires; qu'au surplus ces témoins, aujourd'hui des vieillards, n'étaient à 1'époque des faits que de jeunes garçons;
Mais attendu qu'il est admit que PEREPNAPEN et NAIAS ont été, à leur retour à IMEAORONE, recueillis par un nommé IAOUE de LAUTALIKO (Lenakel); qu'elle devait épouser un homme de LAMNATOU nommé SANGA, mais que celui-ci ayant épousé une autre femme, le mariage projeté ne put avoir lieu; qu'alors PEREPNAPEN épousa un homme de LAMLU nommé NAUSIEN; qu'il y a tout lieu de croire que dans ce cas le chef de LAMNATOU n'est pas intervenu; qu'il n'y a donc pas eu création de droits entre PEREPNAPEN et le clan LAMNATOU;
Attendu que la majorité des notables et gardiens de la coutume déclarent que KAUTIA, en fuyant sa terre, perdait ses droits, mais qu'il pouvait les transmettre à un descendant mâle; que n'ayant pas de descendant mâle, il pouvait par déclaration solennelle, transmettre ces mêmes droits à un fils de sa fille ou a un petit-fils; que cette déclaration crée des droits plus forts que tout autre source, notamment que 1'échange des personnes ("swap"); qu'il est à peu près unanimement reconnu que KAUTIA a fait une telle déclaration;
Attendu que les mêmes notables déclarent que NAIAS, fils d'un premier lit de la femme de KAUTIA, ne pouvait avoir de droits sur la terre IMEAORONE, après la déclaration de KAUTIA, qu'il ne pouvait donc les transmettre à sa femme TOOU, et qu'en conséquence celle-ci ne pouvait les transmettre à BOB KAUTEN;
Attendu qu'il apparaît donc que les droits de YAUTO, petit-fils de PEREPNAPEN, sont supérieurs à ceux des autres prétendants;
PAR CES MOTIFS
Déboute YARRIS APAYOU
Attribue le terrain IMEAORONE àYAUTO, fils de NOKLAM SIP,)
Suggère que le clan LAMNATOU donne une femme à YAUTO, afin que se forment des liens entre les deux groupes;
Dit que YAUTO devra respecter les engagements concernant le terrain que YARRIS APAYOU aurait pu contracter pendant qu'il en était 1'occupant, notamment les engagements pris avec le Délégué Français.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus.
Le Juge Britannique
Le Juge Français
Le Greffier
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