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Décision du Tribunal Mixte des Nouvelles Hébrides

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Ministere Public c Ludeau [1915] VUTM 18; Affaire No 270 (22 October 1915)

TRIBUNAL MIXTE DES NOUVELLES-HEBRIDES


AFFAIRE No 270
AUDIENCE CIVILE DU VENDREDI 22 OCTOBRE 1915.


Entre: SERVICE DES CONTRIBUTIONS ET TAXES
Et: Dame LUDEAU


L’an mil neuf cent quinze et 1e vingt deux octobre, à neuf heures du matin, le Tribunal Mixte composé de M.M. le Président: Comte DE BUENA ESPERANZA,- le Juge Britannique: T.E. ROSEBY, - le Juge Français: J. MABILLE;


En présence de M. le Procureur H.T.G BORGESIUS;


M. STEINMETZ tenant la plume en qualité de Greffier;


Statuant en matière civile, en premier, et dernier ressort; après en avoir délibéré conformément la loi,
a rendu le jugement suivant:


LE TRIBUNAL MIXTE:


OUÏ la dame Ludeau en l’exposé de sa demande;


OUÏ M. Fourcade, Percepteur des taxes, représentant l’Administration, en ses fins et conclusions;


OUÏ le Ministère Public en ses fins et conclusions;


Après en avoir délibéré conformément à loi;


Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort;


Attendu que, le 5 Avril 1913, la dame Ludeau, alors Vve J. Hoareau; déclarait au bureau de la douane de Port-Vila l’importation de quatre fûts de rhum, d’une contenance totale de 972 litres, expédiés à son adresse le 19 Décembre 1912 de l’île de la Réunion et arrivés par le vapeur «Pacifique» du 1er Avril 1913; que, dans cette déclaration, elle faisait toutes réserves au sujet du paiement des droits qui pourraient lui être réclamés en vertu du tarif en vigueur depuis le 1er Janvier 1913, lequel, disait-elle, ne pouvait être applicable à une marchandise commandée et embarquée à la date précitée du 19 Décembre 1912, soit avant la publication du dit tarif; que, sur son refus de payer les droits d’entrée s’élevant à 2430 francs (972 litres à 2,50 = 2430), les fûts de rhum étaient entreposés d’office comme gage de ces droits;


Attendu que, le 17 Juillet 1914, la dame Ludeau adressait à M. le Percepteur des Taxes copie d’une correspondance échangée, au mois de Juin précédent, entre elle et M. le Commissaire-Résident de France; qu’elle expliquait qu’à 1a date du 2 Juin 1914, ignorant encore l’arrêté conjoint du 27 Décembre 1912 sur les importations ainsi que sur la perception des taxes, elle avait demandé à M. le Commissaire-Résident de France - en le priant de transmettre, pour décision conjointe; sa requête à M. le Commissaire-Résident de Sa Majesté Britannique - le dégrèvement pur et simple des droits réclamés, en s’appuyant sur ce que la commande et 1’expédition du rhum litigieux étaient antérieures au dit arrêté; que M. le Commissaire-
Résident de France lui avait répondu par une fin de non-recevoir, sans même avoir soumis sa requête –comme elle l’avait demandé- à M. le Commissaire-Résident de Sa Majesté Britannique; qu’en réponse à sa seconde lettre du 10 Juin 1914, M. le Commissaire-Résident de France l’avait renvoyée aux bons offices de M. le Percepteur des Taxes; mais qu’ayant lu dans le "Neo-Hébridais" du 20Juin 1914, n° 57, l’arrêté conjoint du 27 Décembre 1912, elle se croyait autorisée à invoquer la prescription résultant des articles 59 et 62 du dit arrêté, les droits n’ayant pas été payés dans le délai fixé d’un an; qu’elle réitérait donc sa requête susdatée du 2 Juin et réclamait la mise en possession de son rhum, sans autre formalité; qu’en outre, elle faisait et même renouvelait toutes réserves quant aux retards apportés à satisfaire à sa demande, et aux pertes causées tant par ces retards que par la négligence administrative au point de vue gardiennage des marshamdises retenues arbitrairement, ce dont la dite dame entendait rendre 1’Administration responsable, malgré la clause d’exonération contenue dans l’article 43 du susdit arrêté;


Attendu que, par lettre du 10 Septembre 1914, M. le Percepteur des Taxes faisait connaître à la dame Ludeau que MM. les Commissaires-Résidents n’avaient pas cru devoir faire droit à sa réclamation;


Attendu que, par exploit de Faucher, huissier, en date du 22 Octobre 1914, enrégistré, la dame Ludeau confirmait à MM. les Commissaires-Résidents les termes de sa lettre du 17 Juillet 1914 ci-dessus analysée, et leur signifiait son intention de soumettre le différend actuel à M. le Ministre des colonies et au Conseil d’Etat, et de demander, à titre de dommages-intérêts, une somme de 10000 francs pour le préjudice par elle éprouvé; qu’elle énumérait les pièces qu’elle devait joindre à 1’appui de ses revendications; qu’enfin elle refusait de laisser juger son affaire par le Tribunal Mixte, sous prétexte que dans une décision dont elle ne rapporte pas la date, ce Tribunal avait condamné un prévenu après avoir écarté la protestation d’illégalité formulée par celui-ci, par le motif que 1’arrêtté du 14 Janvier 1911, visé en l’espèce, avait été pris par les Commissaires-Résidents suivant les règles tracées par la Convention du 20 Octobre 1906, alors qu’un arrêt de la Cour de Cassation du 3 Mars 1832 a décidé « que l’autorité judiciaire ne peut annuler un réglement, acte administratif, mais qu’elle peut en déterminer le sens et en apprécier la légalité lorsqu’elle est appelée à faire l’application de la peine qu’ il édicte »;


Qu’enfin elle terminait en signifiant à MM. les Commissaires-Résidents son intention d’en appeler aux « Hauts Pouvoirs » et de demander telles réparations que de droit;


Attendu que, à la date du 12 Mars 1915, M. le Percepteur des Taxes avisait la dame Ludeau que, faute par elle de se libérer d’ici le 5 Avril suivant, date de 1’expiration du délai de 2 ans prescrit pour le retrait des marchandises entreposées, le rhum serait vendu aux enchères en vertu de 1’article 46 de 1’arrêté conjoint du 4 Décembre 1914, abrogeant celui du 27 Décembre 1912, et le produit de la vente, tous droits et frais payés, serait versé à la Caisse du Condominium s’il n’était pas réclamé dans le délai d’un an;


Attendu que, le lendemain 13 Mars, la dame Ludeau répondait à M. le Percepteur des Taxes: que la lettre d’avis ci-dessus était la première et unique notification officielle qu’elle avait reçue, malgré les nombreuses protestations faites par elle contre, la mesure illégale prise par le Service des Contributions; - que 1’arrêté du 4 Décembre 1914, visé dans la dite lettre, ne pouvait la concerner; que le seul arrêté applicable en 1’espèce était celui du 27 Décembre 1912; - que MM. les Commissaires-Résidents, paraît-il, n’auraient pas Jugé à propos de communiquer à M. le Percepteur des Taxes 1’exploit de Me Faucher, en date du 22 Octobre 1914; - qu’en terminant, elle renouvelait ses protestations et déclarait qu’elle s’opposait à la vente du rhum, et que cette opposition serait à nouveau signifiée par voie d’huissier à M. le Percepteur des Taxes;


Attendu que, par exploit de Devambez, huissier, en date du 15 Mars 1915, la dame Ludeau renouvelait la signification qu’elle avait faite à MM. les Commissaires Résidents par ministère de Faucher, huissier, à la date du 22 Octobre 1914; - qu’elle maintenait toutes ses protestations antérieures; qu’elle signifiait en outre: qu’elle avait soumis le dossier de cette affaire à 1’examen de M. le Ministre des Colonies, se réservant d’en appeler, au besoin, au Conseil, d’Etat; qu’elle se refusait à porter le différend actuel devant le Tribunal Mixte parce que ce Tribunal avait décidé: « n’avoir pas à se préoccuper de la validité ou de la non validité d’un règlement »; qu’en consequence, elle s’apposait à la vente du rhum avant le prononcé: 1°- de la décision de M. le Ministre des Colonies; 2° - de celle du Conseil d’Etat; et
3° - au cas d’incompétence reconnue par ces autorités – du jugement du Tribunal Mixte; - qu’enfin elle renouvelait sa demande en 10000 francs de dommages-intérêts, ajoutant que s’il était passé outre à 1a dite opposition, elle évaluerait à 8000 francs au moins le nouveau préjudice qui lui serait causé et dont elle demanderait compensation;


Attendu que suivant exploit de Faucher, huissier, en date du 26 Août l915, et à la requête de MM. les Commissaires-Résidents; poursuites et diligences de M. vie Percepteur des Taxes, la dame Ludeau est citée devant le Tribunal Mixte, statuant en matière civile, pour entendre ordonner la mainlevée de cette opposition et autoriser la vente des fûts de rhum en question;


Attendu que M. le Percepteur des Taxes expose à l’appui de sa demande que la procédure en recouvrement de droits suivie par l’Administration contre la dame Ludeau est régulière et conforme aux articles 57 et 45 de l’arrêté conjoint du 27 Décembre 1912; Qu’en effet l’article 57 dit expressément que « la marchandise étant le gage des droits, ne pourra dans aucun cas être enlevée ou embarquée qu’après que les droits auront été acquittés ou consignés »; que, d’autre part, conformément à 1’article 45, un avertissement a été donné à la dame Ludeau; que celle-ci n’en a tenu aucun compte; que, dès lors, en vertu du même article 45, L’Administration pouvait, avec la permission du Président du Tribunal Mixte, passer outre à la vente (art. 68); malgré 1’opposition que la dite dame a cru devoir faire à cette vente, opposition qui, d’ailleurs, n’est pas prévue par le Réglement susvisé du 27 Décembre 1912; que toutefois 1’Administration a préféré faire trancher par le Tribunal les questions de compétence et de prescription soulevées par la dite dame dans sa correspondance, ce qui permettra à celle-ci de démontrer le bien-fondé de son opposition;


Attendu que, dans ses conclusions écrites, le Ministère Public, agissant comme partie jointe, conclut à la compétence du Tribunal Mixte;


Attendu que, de son côté, la dame Ludeau dépose des conclusions dans lesquelles elle relate les faits qui ont motivé son différend avec l’Administration et qui ont consignés ci-dessus; qu’elle ajoute que le Tribunal Mixte étant compétent et seul compétent, elle se porte reconventionnellement demanderesse; qu’elle soutient : 1° qu’elle n’attaque pas la légalité de l’arrêté du 27 décembre l9l 2, mais son intransigeante et inopportune application; 2° que, dès que la preuve est faite de 1’expédition des marchandise avant que ne soient connues au lieu d’expédition les taxes nouvelles, il serait arbitraire de frapper la dite marchandise si les longueurs du voyage ne lui permettent d’arriver à destination qu’après la mise en vigueur de ces taxes nouvelles ; 3° qu’aussi bien en matière de procédure qu’en matière de promulgation de lois, il est toujours réservé des délais dits de distance, et qu’il n’a été tenu aucun compte de ces délais dans l’arrêté du 27 Décembre 1912, rendu exécutoire dès le 1er Janvier 1913 ; 4° que sa bonne foi est établie par le certificat d’origine délivré par le service des douanes de la Réunion, et par sa déclaration à l’arrivée des fûts de rhum à Port-Vila ; 5° que c’est donc à tort que l’Administration a séquestré sa marchandise, ce qui a occasionné un grave préjudice à la concluante; et 6° qu’elle demande, en conséquence au Tribunal de déclarer : que les taxes mises en vigueur le 1er Janvier 1913 ne sont pas applicables aux marchandises ayant quitté leur lieu d’origine avant cette date ; - que le séquestration de cette marchandise par l’Administration est injustifiée; - que la dame Ludeau est bien fondée en ses demandes et revendications;- par suite, d’ordonner la remise immédiate de la marchandises à la défenderesse; - de condamner l’administration à payer à la dame Ludeau la somme de 5000 francs à titre de dommages-intérêts; - de condamner en outre l’Administration aux dépens;


Attendu que le Ministère Public verse au débat de nouvelle conclusions desquelles il résulte: 1°- que le règlement douanier ne fait aucune exception et est entré en vigueur le 1er Janvier 1913 ; 2°- qu’en matière de douanes, les droits sont calculés d’après le tarif exécutoire au moment de la déclaration ; 3°- qu’il n’appartient pas au Tribunal d’apprécier l’équité d’un Règlement, mais de l’appliquer ; qu’il faut laisser aux Commissaires-Résidents le droit de remettre les taxes à titre de faveur conformément à l’article 79 du Règlement ; - que le Ministère Public conclut à la mainlevée de l’opposition et à l’autorisation de procéder à la vente ;


Attendu que, dans ses dernières conclusions, la dame Ludeau prétend: 1°- qu’elle n’a jamais eu l’intention de soulever l’exception de prescription; 2°- que l’article 79 invoqué par le Ministère Public ne donne pas aux Commissaires-Résidents le droit de remettre les taxes à titre de faveur, mais de faire des transactions ;


SUR LA DEMANDE DL L’ADMINISTRATION.


Attendu que, avant d’examiner cette demande et de s’assurer si 1’opposition à 1a vente est légale et si l’Administration ne pouvait, de sa propre autorité et sans 1’intervention de la justice; faire vendre les fûts de rhum retenus en douane, il parait utile de rechercher quel est, en as de changement de régime, le tarif ou régime douanier à appliquer aux marchandises en cours de route; et de rappeler les principes qui régissent la matière tant en France qu’en Angleterre, avec leur application devant les Tribunaux;


Attendu que, comme il a été expliqué ci-dessus, le principal argument de la dame Ludeau consiste à dire que les 4 fûts de rhum avaient été commandés au mois d'Août 1912 et avaient quitté le lieu d’origine le 17 Décembre suivant, soit à une date antérieure à la signature et à la publication de l’arrêté conjoint, bien que, par suite de la distance, la dite marchandise soit arrivée à destination après la mise en vigueur de cet arrêté;


Attendu que, en droit français, les droits de douane sont exigibles au moment du dépôt de la déclaration par les redevables (Loi 22 Août 1791, titre 2, art. 14 et titre 13, art. 30);


Attendu, en conséquence, que dans tous les changement au tarif d’entrée ou de sortir, et à moins que la loi n’en dispose autrement en ce qui concerne les marchandises en cours de route; les droits à percevoir sont déterminés par la date à laquelle la déclaration en détail a été inscrite au régistre du bureau; que même si, par suite de la fermeture legale du bureau, la déclaration en détail d’une marchandise n’a pu être enregistrée qu’après lq mise en vigeur d’un nouveau tarif, s’est d’après ce nouveau tarif que la marchandise doit être imposée, quelle que soit l’époque de son arrivée (trib. Rouen, 1er Juillet 1888) ;



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