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Décision du Tribunal Mixte des Nouvelles Hébrides

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Ministère Public c Russet [1918] VUTM 13; No 381 (13 September 1918)

TRIBUNAL MIXTE DES NOUVELLES-HEBRIDES


AFFAIRE No 381
AUDIENCE DE SIMPLE POLICE DU VENDREDI 13 SEPTEMBRE 1918


MINISTERE PUBLIC


Contre


RUSSET Henri, Citoyen français, Colon au Canal du Segond (SANTO), prévenu d'infraction à l'ARTICLE 49 & 2 de la CONVENTION du 20 Octobre 1906.


L’an mil neuf cent dix huit et le treize Septembre, à 9 heures du matin,


Le TRIBUNAL MIXTE composé de M. M. H. H. T. G. BORGESIUS, Président p.i - J. MABILLE, Juge Français - H. DE BURGH O'REILLY, Juge Britannique p.i,


En présence de M. J. DE LEENER, Procureur p.i,


Assisté de M. Emile FOURCADE, Greffier p.i tenant la plume,


Statuant en matière de simple police, en premier et dernier ressort,


Après en avoir délibéré conformément à la loi,


A rendu le jugement suivant:


LE TRIBUNAL MIXTE:


OUI la lecture des pièces du dossier; - les témoins - serment préalablement prêté - en leurs dépositions; OUI M. le Procureur du Condominium en ses réquisitions; le prévenu dans son interrogatoire et ses moyens de défense présentés tant par lui-même que par son défenseur, M. CHAUVIERE ;


Après en avoir délibéré conformément à la loi;


Statuant en audience publique, contradictoirement, en matière de simple police, en premier et dernier ressort;


ATTENDU que, suivant exploit de BOIBELET, Délégué du Condominium à Port-Sandwich (MALLICOLO), Huissier ad hoc, en date du 20 Mai 1918,1e Sieur RUSSET est cité devant ce Tribunal pour répondre à la prévention d'avoir, au Canal du Segond (SANTO), au commencement du mois d'Août 1917, reçu et employé sur sa propriété deux indigènes, le nommé SOULESI et la femme LEBOUNDARI, engagés du Sieur RATARD, colon à SANTO (Infraction à l’article 49 & 2 de la Convention du 20 Octobre 1906);


ATTENDU que M. CHAUVIERE, Défenseur du prévenu, a déposé et développé les conclusions suivantes:


ATTENDU que fin Décembre 1914 M. Henry RUSSET, Commandant lui-même son côtre le "St. PIERRE", prit à Sarremette, à Mallicolo, à son bord deux recrues du nom de SOULESI (homme) et LEBOUNDARI (femme) qui demandèrent à s’engager chez lui pour deux ans;


ATTENDU qu’ayant inscrit sur son livre d’engagement le nommé SOULESI il fit aussitôt demander parmi les hommes de terre le nommé MOLSOUNN, mari de LEBOUNDARI, à qui il demanda l’autorisation d’emmener sa femme, comme le veut la Convention;


ATTENDU que la prime donnée suivant les usages du recrutement, à chaque boy engagé, fut versée entre les mains de MOLSOUNN devant tous les hommes de la tribu qui le reconnurent pour le mari de la femme LEBOUNDARI;


ATTENDU que M. H. RUSSET dut promettre formellement au mari de ramener sa femme en fin d’engagement;


ATTENDU que la durée de l’engagement des nommés SOULESI et LEBOUNDARI terminée, M. Henry RUSSET se préparait à les rapatrier quand les colons de SANTO reçurent un avis de l’autorité militaire (Janvier 1917) de se tenir prêts à joindre Nouméa, que M. Henry RUSSET ayant moins de 38 ans, étant de la classe 1901, dut s'apprêter à quitter sa propriété;


ATTENDU qu’il était impossible à M. RUSSET de se rendre a SARREMETTE sur son petit côtre et d’avoir la sureté de revenir à temps pour prendre le " PACIFIQUE "prévenu qu’il était tardivement par un bateau de commerce;


ATTENDU donc qu’un cas de force majeure (Article 51 p. 3) l’obligea à remettre à plus tard le rapatriement de ces deux boys;


ATTENDU que M. Henry RUSSET les appela et leur expliqua cette impossibilité momentanée, mais leur promit de les faire rapatrier par un autre blanc, non mobilisé, s’il ne pouvait le faire lui-même;


ATTENDU que les deux boys acceptèrent, mais ne pouvant comprendre, en gardèrent de la mauvaise humeur, qui se traduisit chez SOULESI par une dispute avec le cuisinier de M. RUSSET, au moment de la distribution des vivres;


ATTFNDU que SOULESI en profita pour s’évader et emmener avec lui LEBOUNDARI et pour se réfugier chez RATARD,


ATTENDU que celui-ci en profita pour les faire s’engager immédiatement –


1° qu’il était dans son droit pour SOULESI


2° qu’il n’en était pas de même pour LEBOUNDARI, que M. RATARD surprit la bonne foi de la Résidence de France, qu’il n’a pas eu et n’a pu avoir le consentement du mari de la dite femme (Art. 33 p.l).


ATTENDU que M. Henry RUSSET est accusé d’avoir reçu et employé ces deux indigènes, lorsque, fuyant de chez M. RATARD, ils sont revenus chez lui,


1° que l’accusation est en défaut pour SOULESI qui n’est jamais revenu chez M. RUSSET et que par suite il n’a pu recevoir et employer,


2° qu’il a bien reçu et employé la nommée LEBOUNDARI, mais qu’en la circonstance, c’était son droit et son devoir. Son droit, puisque l’engagement de LEBOUNDARI ne pouvait avoir lieu sans le consentement de son mari et que M. RUSSET savait que celui-ci ne l’avait pas donné, MOLSOUNN, lors d’un de ses voyages à SARREMETTE, l’ayant menacé; son devoir, puisqu’il s’était engagé vis-à-vis du mari à la rapatrier, ses deux ans achevés,


Que d’ailleurs M. H. RUSSET, s’il l’a reçue, ne peut être accusé de l’avoir employée, puisqu’il a armé immédiatement son bateau pour la conduire à son mari (ce qu’il fit) –


ATTENDU que le Tribunal ne peut se laisser influencer par le procès-verbal du verbalisateur qui, prenant la déposition de M. H. RUSSET, a mal interprêté sa pensée et donné en termes légèrement inexacts les paroles de M. RUSSET –


Ainsi, il fait dire: le mari de cette femme m'a demandé, etc.........alors qu’il faut lire l’amant, la femme LEBOUNDARI vivant maritalement avec SOULESI –


Plus loin


Que les boys en question étaient régulièrement engagés,....alors qu’il faut lire engagés devant la Résidence –


Par ces faits - PLAISE au TRIBUNAL-


1° Déclarer que c’est à tort que l’accusation dit que M. H RUSSET a reçu et engagé le nommé SOULESI –


2° Déclarer que c’est à tort que la femme LEBOUNDARI a été déclarée engagée régulièrement chez M. RATARD,que M. Henry RUSSET n’a accompli que son devoir en la rapatriant –


De ce fait, acquitter M. Henry RUSSET


Et ce sera justice –


Ce 6 Septembre 1918


« L. CHAUVIERE ».


ATTENDU qu’en réponse à la lettre de M. le Commissaire-Résident de France du 4 Juin 1918, No 286 d versée au cours des débats, ledit M. CHAUVIERE a déposé une note non signée faisant suite aux conclusions ci-dessus, note ainsi conçue:


Comme réponse à la lettre remise à l’audience, cette lettre émanant de la Résidence de France, j'ai l’honneur de répondre:


SOULESI n’était pas le mari, mais l’amant de LEBOUNDARI: l’engagement devant la Résidence de France n’a été fait que sur déclaration de Mme RATARD, sans aucun contrôle –


Madame RATARD a eu soin pour cette fois de ne présenter aucun témoin blanc.


Elle ne pouvait ignorer, vu le rapprochement de nos propriétés, que SOULESI n’étai t pas le mari de LEBOUNDARI –


J’ajouterai que des colons ne peuvent ignorer que, la femme étant une richesse pour le mari, celui-ci, n’ayant pas de besoins, ne quitte, " quoiqu’en donnant parfois l’autorisation à sa femme, sa tribu que très rarement et que par suite il serait bon que les Inspecteurs du Travail s’entourent de toutes les précautions avant d’accorder à un planteur l’engagement de femme qui vient de chez un autre planteur-


ATTENDU que M le Procureur du Condominium déclare abandonner poursuite contre le Sieur RUSSET en ce qui concerne l’indigène SOULESI; qu’il y a lieu de lui donner acte de cette déclaration;


Sur l’irrégularité de l’engagement de la femme LEBOUNDARI fondée sur le défaut de consentement de son mari:


ATTENDU que, d’après l’article 33 & 1er de la Convention, le consentement du mari est une condition essentielle à la validité de l’engagement de la femme mariée ;


ATTENDU que l’acte d’engagement attaqué est daté du 6 Mai 1917 et porte que l’indigène SOULESI et sa femme LEBOUNDARI s’engagent au service de Mme RATARD pour une durée de deux années à compter du 6 Mai 1917, moyennant un salaire mensuel de 12 fr.50 pour chacun d’eux, plus une prime de 25 francs; que cet acte est signé des parties contractantes et de quatre témoins dont deux non-indigènes et deux indigènes;


ATTENDU que le contrat incriminé a été déclaré à la Résidence de France et visé par elle ainsi qu’il ressort de la déposition de M. DELIGNY, Inspecteur du Travail;


ATTENDU, d’autre part, que dans sa déclaration consignée dans le procès-verbal de BOIBELET, Délégué du Condominium, en date du 20 Mars 1918, ledit procès -verbal cru jusqu’à preuve contraire
(Article 54 & 2 de la Convention), le Sieur RUSSET donne à l’indigène SOULESI le titre de mari de la femme LEBOUNDARI; qu’il semble ainsi lui reconnaître cette qualité;


ATTENDU, il est vrai, qu’aujourd’hui il rétracte cette déclaration et prétend s’être trompé ou avoir été mal compris du Délégué; qu’en réalité, dit-il le véritable mari de LEBOUNDARI s’appelle MOLSOUNN et habite SARREMETTE (MALLICOLO); qu’il est reconnu comme tel par tous les, habitants de sa tribu; que ceux-ci étaient présents lorsqu’il a donné son autorisation à l’engagement et a reçu la prime d’usage, avec promesse formelle du Sieur RUSSET de lui ramener sa femme à l’expiration de l’engagement;


Mais attendu que les nouvelles déclarations du prévenu sont en contradiction avec celles rapportées dans le procès-verbal susdaté; que l’on s’étonne à bon droit qu’il ait négligé de porter à la connaissance du Délégué enquêteur des faits d’une telle importance pour sa défense; que dans tous les cas, pour détruire la foi due au procès-verbal, il était tenu de prouver juridiquement ses nouvelles allégations; que cette preuve n’a pas été faite ni offerte; que, selon une jurisprudence certaine,des présomptions même graves ne peuvent infirmer les constatations d’un procès-verbal de cette nature; qu’à plus forte raison, les dénégations et explications du prévenu ne suffisent pas; qu’il faut une preuve contraire aux constatations du procès-verbal et résultant d’une enquête faite à l’audience;


Qu’il suit de ce qui précède que l’engagement de LEBOUNDARI doit être tenu pour bon et valable, tant que la qualité de mari attribuée à l’indigène MOLSOUNN n’aura pas été régulièrement établie;


Sur le moyen tiré de ce que l’article 49 & 2 de la Convention ne saurait être appliqué au prévenu vu qu’il a rapatrié immédiatement la femme LEBOUNDARI sans l’employer;


ATTENDU que pour qu’il y ait une infraction, dans le sens dudit article 49, il faut avoir reçu et employé ou avoir admis à bord d'un bâtiment (ce qui paraît viser spécialement le recruteur), un engagé ayant quitté sans autorisation son engagiste, c’est-à-dire en état de désertion; que si l’on reçoit l’engagé sans l’employer, le fait cesse d’être punissable, l’une des conditions du délit faisant défaut;


ATTENDU, en l’espèce, qu’il est constant que LEBOUNDARI n’a fait que passer chez le prévenu, qui s’est empressé de la rapatrier, comme il le devait;


Or, attendu que le rapatriement est obligatoire pour l’engagis à l’expiration de l’engagement, ainsi qu’il résulte des termes impératif de l’article 51 de la Convention;


Que, ce faisant, le prévenu n'a fait qu’exécuter une de ses principales obligations d’engagiste; que,dès lors, il n’a commis aucune infraction à l’article 49 précité; qu’il doit être renvoyé des fins de la citation sans dépens;


PAR CES MOTIFS:


Annule la citation susvisée du 20 Mai 1918 et renvoie le Sieur RUSSET des fins de la poursuite sans dépens;


Laisse les frais à la charge de la Caisse du Condominium;


Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus.


Le PRESIDENT p.i.


Le JUGE BRITANNIQUE


Le JUGE FRANÇAIS


Le GREFFIER


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